par Stéphane BIGEARD - Point Fort Conseil & Formation
Pour la première fois de son histroire l'équipe de France de Volley Ball est sacrée Championne Olympique, au bout du suspens face à la Russie (3-2).
Pour mieux comprendre cet exploit qui est tout, sauf le fruit du hasard, découvrez l'approche managériale de son entraineur Laurent Tilly qui sort ainsi par la grande porte pour son dernier match, à la tete de cette incroyable équipe en OR.
Une incroyable réussite qui s'est construite avec le temps sur une incontournable culture des points forts !!!
Magnifique approche d'un coach sportif puissant !!! Applicable par tous les managers ... et même les parents.
"Coacher, ce n’est pas seulement délivrer des consignes et faire évoluer un joueur… Si on arrive à impliquer, à émouvoir, presque à insuffler une dimension spirituelle dans le groupe, là, on dépasse les frontières !"
Laurent Tillie, les bons mots du Coach de l'équipe de France de Volley ball.
« Il y a des mots qui font vivre et ce sont des mots innocents », écrivait Paul Éluard. « Il y a des mots qui font grandir et il faut bien les choisir », nous dirait surtout ici Laurent Tillie. L’entraîneur des volleyeurs français, pas forcément convaincu à ses débuts – il l’avoue – du rôle central de la communication dans le coaching, prône un discours « efficace, utile, bien compris » ; bref, réfléchi.
D’emblée, l’ancien champion évoque d’ailleurs l’enjeu de LA toute première causerie avec un groupe. « Le premier discours doit donner de l’ambition mais aussi du sens à ce que l’on va faire, avec un message simple, détaille Tillie. Il faut l’aborder avec prudence, ne pas arriver avec ses gros sabots… En fixant d’entrée trop de règles, on prend le risque de se retrouver prisonnier de cette première prise de contact. » Voire de perdre un peu sa crédibilité…
Alors ce discours, il le répète, dix, vingt fois, l’apprend par cœur. « Un effort d’écriture, presque d’acteur, reconnaît notre coach : on doit réussir à saisir l’attention et les sentiments des gens auxquels on s’adresse ». En prenant soin du fameux poids des mots. « Ces mots qui tuent l’envie, l’espoir ou l’amour-propre lorsqu’ils dénigrent », renchérit Tillie. « Piquer un joueur devant le groupe, cela peut fonctionner mais je le fais en dernier recours. Avant, j’essaie plutôt de le voir en aparté pour le ramener sur le bon chemin. »
Être patient dans sa communication afin de limiter les phrases négatives aussi, qui soulignent ce qu’il ne faut pas faire au lieu de donner un objectif ! « Combien de fois ai-je été frustré dans ma carrière d’entendre « là, il ne faut pas rater la réception » quand j’étais en difficulté sur un service… Donnons des clés au contraire : « pars de plus loin », « décale tes appuis », « regarde la balle » ! » Trois-quatre consignes, jamais plus. « À l’entraînement, on a déjà travaillé sur les réponses à donner selon l’adversité ; le jour du match, inutile de surcharger le gars en informations… Il faut le laisser jouer relâché, en confiance : ce n’est pas un joueur d’échecs ! »
La bonne attitude
Fort de son gabarit, Laurent Tillie aurait pu négliger ce paramètre, penser l’affaire « naturellement » gagnée – un quasi-double mètre, avouez que cela en impose ! – L’intéressé, pourtant, accorde une attention toute particulière à l’apparence devant son groupe. « C’est une communication à elle toute seule et donc, une donnée primordiale pour le joueur, appuie-t-il. Dès que je rentre dans un gymnase, je dois avoir une certaine prestance, un comportement qui donne envie, qui donne des règles… » Les jours de match, Tillie se transforme. « Je me bats toute l’année pour que mes joueurs entrent sur le terrain avec l’attitude du boxeur montant sur un ring affronter Tyson ; alors je montre l’exemple : je rehausse les épaules, serre les poings, me coupe du monde extérieur… J’ai le corps tendu, prêt », détaille ce manager qui envisage le coaching « avec sa tête bien sûr, mais aussi avec ses tripes ».
Son regard n’est pas en reste : droit, fixe, presque animal. « Mes joueurs disent que je fais le sauvage ! », avoue leur entraîneur alors… stressé. Stressé, ce mot que beaucoup de coachs tiennent à rayer de leur vocabulaire, mais pas Tillie. « Je serais fou de ne pas stresser ! Attention, n’y devinez pas un manque de confiance, j’ai juste conscience que tout peut se passer. Or le stress vous met en garde, vous oblige à mettre en éveil tous vos sens, vous fait avancer ! Après, on doit savoir aussi le gérer, éviter qu’il paralyse, par exemple… »
Pour trouver la « tension » idéale, notre volleyeur a d’ailleurs une arme. « Lorsque la pression envahit le vestiaire, commence à marquer les visages, étouffe presque; là, je fais un trait d’humour, histoire d’amener chez les joueurs un léger rictus et d’être définitivement prêt au combat. » Un combat face à un adversaire. Un combat, pour lui sur le banc, face aux émotions aussi. « Montrer trop de frustration, d’énervement, est souvent néfaste ; j’essaie de rester zen, de me contrôler », explique Tillie. Et si la température devient brûlante ? « Une longue respiration ventrale. Oui, je souffle, je souffle beaucoup… »
Les bonnes idées
Si Laurent Tillie ne laisse pas grand monde indifférent dans son management, c’est aussi parce que le coach aime à « remplir le réservoir émotionnel » de ses hommes. L’exploit restant, à ses yeux, impossible sans supplément d’âme, il se plaît alors « à sortir des rails pour aller chercher tout ce qu’il y a dans le ventre et le corps des joueurs ».
La préparation mentale peut passer par des dessins, des paraboles, qui, scotchés au fur et à mesure de la saison sur les murs du vestiaire, racontent l’histoire de l’équipe et donnent du sens à l’aventure collective. « Je crois beaucoup au pouvoir des mots, des images », précise Tillie. Lequel peut se montrer plus surprenant encore lorsqu’il décide, par exemple, de lire avant un match de Coupe d’Europe avec Cannes Le Lion et le Moustique, « un conte démontrant qu’avec de la persévérance, un tout petit insecte peut réussir à faire craquer le Roi des animaux », de s’imprégner, via une bande sonore, de l’assourdissante ambiance bulgare qui attend ses Bleus – « une agression presque physique à laquelle nous étions alors préparés » – , de diffuser le briefing d’Al Pacino dans l’Enfer du dimanche – « les joueurs sont sortis des vestiaires avec une force incroyable » -, voire de brûler carrément son plan de jeu à la mi-temps d’un match mal embarqué – une manière de dire aux joueurs : « Oubliez les consignes, ayez confiance en vous… Vous avez la clé ! » –
Forcément, toutes ces idées imposent un travail d’observation tout terrain, de recherches en amont. Se renouveler pour rester efficace ! « C’est comme lors des causeries, renchérit notre manager en s’excusant par avance de sa métaphore « un brin violente » (sic). Le coach entre dans un vestiaire avec des balles dans un barillet, et quand il tire, il doit être sûr de faire mouche car sa balle partie est définitivement perdue. » Ce pouvoir de transcender une équipe, « une magie du métier » qui émerveille Laurent Tillie.
Comblé quand, dans un avant-match ou à la mi-temps d’une rencontre, « je sens le ventre d’un joueur, cinq mètres plus loin au fond du vestiaire… »
Merci Coach